Une rivière vient de s’assécher dans la Caraïbe...
...DONG dongdong DONG dongdongdong DONG..
[L’appel des tambours]
Dans une nuit profonde, le corps de la séancière s’active. Son chant est suffocations intenses Une épaisse vapeur m’emporte... Je suis spectateur d’une vie dansant devant moi...
Suis-je entrain de rêver ma propre mort ?
Une nuance du blanc se déclare discrètement, comme une anecdote... Je me retrouve en banlieue parisienne [sur la ligne 7 du métro] attablé autour d’un manjé péyi—diri è pwa rouj, cabrit ?, rasin—... aux côtés de Claire [Tancons] et d’ Hervé [Télémaque].Nous demandons de l’huile pour arroser le tout. Hervé en rien ne s’en étonne.
En Haïti comme en Guadeloupe, les coutumes culinaires nous unissent. Nous nous enquérons de savoir si la prochaine fois nous pourrions prendre on ti la gout. Des rires fusent, la proposition semblant osée tant les cocktails consommés par notre hôte sont plutôt médicamenteux que spiritueux.
Nous échangeons autour d’un projet en cours...Séances de travail dont nous nous réjouissions toustes de leurs venues mensuelles... C’est au cours de l’une d’entre-elles qu’Hervé me fit la remarque... tu n’as pas la couleur d’un Guadeloupéen mais tu portes bien laCaraïbes du fait de ton nom...
C’est au cours de la première de cesséances, David, je te le rappelle, car elles nous furent comptées pluschichement que nous escomptions.
Je ris de cette appétence caribéenne pour le colorisme même chez ces êtres délicats tel Hervé qui a plusieurs reprises vilipenda le « noirisme », dans l’acceptation identitariste contemporaine qui pourrait être le sien actuellement, loin du contexte haïtien historique de son apparition qui pourtant toujours revenait à Hervé, comme s'il souhaitait encore se départir d’influences dont il devint pourtant rapidement évident qu’elles n’entameraient pas le dessein qu’il avait conçu pour lui-même et pour sa pratique.
Aucune de ces considérations n’entravèrent notre première rencontre en Guadeloupe dans le cadre d’un festival artistique soutenu par la ville de Baie-Mahault.
Accompagné d’Élodie-Anne, les mouvements d’Hervé de l’un·e à l’autre des invité·e·s étaient aussi fluides que le dialogue de sa pensée-peinture avec les œuvres qui l’entouraient. Nous entamèrent une amitié de fait, immédiate, dont l’évocation me permis de reprendre contact avec Hervé par l’entremise d’Élodie-Anne, plus d’une décennie plus tard,
[Laséancière reprend fortement son incantation cette fois-ci familière à mes oreilles]
Van lévé
I ka héléka hélé
Tout de blanc vêtues-x, nous processionnons
Zonbi... Zèspri... Hector Hyppolite...la Vénus hottentote...
Toussaint et Fidel au regard vide... Dòwlis [ma propre ré incarnation] ...
et les bruyants Guédés se manifestent au compte-goutte...Pour ne citer que les êtres m’étant voisin·es-x dans cette immense nuée de corps ...
Plus nous avançons vers ce long et incandescent drapé, plus les cierges s’illuminent. La tristesse de la perte fait place aux retrouvailles avec la vie et à l’accueil de l’âme, cette âme à laquelle devons toute une vie esthétique. L’odeur du piment et l’ombre d’un haut-de-forme indiquent la fin de la procession et l’avènement du couple tant attendu, Bawon Sanmdi et Manman Brijit...
Cette dernière déclame une dernière prière et annonce le début des festivités...Ainsi commence le nouveau voyage d’Hervé Télémaque...
Bon vent Hervé ! Toi qui su choisir ton embarcation et monta tôt sur le pont de la reconnaissance, lançades passerelles pour que personne ne croupisse dans les cales de la modernitéet ses caves à misères nègres. Toi qui resta gai, joyeux, accueillant et bienveillant, toujours avec les tien·ne·s sans jamais y être enchaîné, les vives couleurs de ton âme picturale repêchant les noyé·e·s et en entrainant d’autres sur les chemin d’un retour qui ne pouvait être qu’en eux et elles mêmes
Fils d’Ulysse, où retournes-tu, Hervé. Où est ta Guinée?
Ayiti chérie,pi bon peyi passé ou nan poin.
Fok mwen te kite-w pou mwen te kab konpren valèou,
Fok mwen te manké-w poum te kab aprésié ou,
Poum senti vrèman tou sa ou te ye pou mwen…
Yépa !
Nou ka véyew.
David & Claire
